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Message JazzDay - Florence MAKPOLO-SONI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

   

 

     Je suis honorée et fière de répondre à l’invitation de mon amie Michèle de Gastyne en participant depuis Paris avec vous au Jazz Day 2020, cet événement international, célébré à travers le monde et porté par la figure illustre et non moins talentueuse du pianiste et compositeur de jazz Herbie Hancock.

     Puisque le thème choisi cette année (pas Michèle et MUAC pour leur conference) est  « Racines et éthique du jazz, comment apprendre de l’Afrique », permettez-moi de partager avec vous quelques réflexions inspirées par mon travail d’accompagnement auprès des enfants et des jeunes en difficulté au Congo.

     Notre association « Congo Action France » soutient  depuis 2006 le développement de l’éducation et de la formation des jeunes en République Démocratique du Congo.

     Dès le début, nous avons voulu apporter notre aide  aux enfants les plus vulnérables, ceux qui représentent les exclus parmi les exclus.  En R.D.C, on les appelle  « Shégué », un terme péjoratif pour désigner « les enfants des rues ».  

     Notre 1er projet fut d’installer une bibliothèque dans un centre pour enfants des rues de Kinshasa. Nous ne savions pas alors que ce geste allait transformer la vie de ces jeunes, bien au-delà de nos espérances.

    Comment  apprendre de l’Afrique ?  Mais surtout de quelle Afrique ? Car tout voyageur qui aura comme moi traversé quelques pays de ce magnifique continent en s’arrêtant ici et là, jouissant de l’hospitalité et partageant la vie des gens, arrivera bien vite à la constatation que l’Afrique est multiple.

     Il y a d’un côté la vie dans les capitales, dans les grandes villes, dans les grands ports, le long des villes côtières puis il y a la vie dans les villages isolés et  enclavés. Ces régions, souvent pauvres d’une Afrique encore un peu endormie, parfois meurtrie, mais où l’on rencontre des populations fières, dignes, respectueuses du temps, protégeant jalousement ses valeurs comme on garderait le trésor d’un sanctuaire  impénétrable.

     Là-bas, les hommes et les femmes vivent en fonction de leurs besoins, au rythme de ce que leur concède la nature. Ils construisent leurs maisons pierre après pierre, loin de la course effrénée des grandes mégapoles modernes.

     Au Congo, la grande majorité des bénéficiaires de nos projets est basée en capitale où dans des grandes villes. C’est là que notre chemin a croisé celui de Patrick, un jeune garçon de 12 ans qui a très vite attiré notre attention. Vif et toujours souriant il avait indéniablement des capacités à fédérer autour de lui. Comme ce jour d’août 2007 où, avec quelques blagues  et des chansons, il a réussi à lui seul à détendre l’atmosphère dans le bus où nous emmenions en colonies de vacances un groupe composé d’enfants des rues et d’enfants d’un orphelinat de Kinshasa. Car dans notre grande naïveté nous ne nous doutions pas que même les enfants vivant en orphelinat méprisent les enfants des rues.

     Les épreuves de la vie en milieu urbain font rejaillir la face obscure de l’être humain. L’égoïsme et la méchanceté deviennent vos meilleures armes que vous brandissez chaque fois que vous avez à défendre votre place. Hélas, les enfants n’échappent pas à ces codes là.

Par chance, la colonie se passait  à Kisantu, en zone rurale, loin des tumultes de la ville. Au fil des jours, la transformation était palpable, les enfants semblaient apaisés. Les deux groupes avaient appris à se connaître, voire même à s’apprécier.

     Patrick avait été le chef d’orchestre de cette belle harmonie. Pour lui aussi, ce séjour en colonies de vacances fut le début d’une nouvelle vie. Dès notre retour, à Kinshasa il nous a fait part de son envie de retourner à l’école mais à la seule condition d’être inscrit à l’Institut National des Arts (I.N.A)  pour y apprendre la musique. Puis il a poursuivi ses études dans d’autres établissements, jusqu’à l’obtention de son baccalauréat.

     Ne croyez pas que sa scolarité a été simple ; à cause de son fort caractère, il a souvent été incompris par les professeurs et renvoyé de plusieurs écoles. Mais il n’a jamais abandonné car il s’était fixé un but. Aujourd’hui, Patrick travaille dans la fonction publique.  Il écrit  et compose ses propres chansons, il fait même quelques concerts. Dans son quartier, il donne des cours de guitare à d’autres jeunes, car lui aussi a le goût de transmettre le peu de chance qui lui a été donnée.

     Depuis 14 ans, chacun de nos projets avec les enfants et les jeunes du Congo est l’occasion  de sensibiliser aux dangers des préjugés et d’encourager à adopter des valeurs de tolérance et de respect de la dignité humaine. Car quel que soit l’endroit d’où il vient, quelle que soit son histoire, tout être humain a droit à être écouté, respecté et valorisé. 

    Si aujourd’hui ces concepts semblent acquis et acceptés par nos jeunes, nous savons qu’il est plus difficile de convaincre lorsqu’on aborde les questions liées au genre. Pour beaucoup de garçons, il demeure inconcevable d’admettre qu’une fille puisse bénéficier des mêmes droits qu’eux.

    Alors  pour faire évoluer les mentalités, Congo Action collabore avec un groupe d’ONG françaises pour faire entendre les "Voix des filles"  lors de la célébration de la journée internationale de la fille (11 octobre) au siège de l’Unesco à Paris.  L’année dernière, nous avons recueilli des témoignages sur les difficultés  rencontrées par les filles pour l’accès à l’éducation et à  la santé. Cette année, nous écouterons les solutions que ces jeunes  vont elles-mêmes proposer pour remédier à ces problèmes en fonction du contexte familial et local dans leur pays respectif.

    Tout cela nous montre qu’il reste encore de nombreux défis à relever. Nous poursuivrons notre mission jusqu’à ce que chaque jeune, fille ou garçon,  en suivant l’exemple de Patrick, aura acquis son autonomie, développé la confiance en soi pour devenir acteur et actrice de changement au sein de sa communauté.

    C’est alors peut-être que portés par la magie des ancêtres les enfants d’Afrique trouveront la force et la foi pour faire renaître aux quatre coins du continent, dans la maison commune les valeurs traditionnelles qui font de l’Afrique le berceau de l’humanité.

 

       - Florence MAKPOLO-SONI

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